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Clara Thiel

Lettre n°197

Gorze, Février 2023


Chers amis,


Nous sommes dans le temps des « Gésimes », temps de préparation au grand carême et temps de la ré-orientation toujours à reprendre vers cet appel qui résonne depuis le début de l'histoire humaine : « Adam, où es-tu ? » (Genèse 3.9). En effet, Adam et Eve se cachent du Seigneur Dieu « parmi les arbres du jardin » nous dit le texte de la Genèse au chapitre 3 verset 8. Finalement tout homme « en exil » se cache comme le fait Adam, et à tout homme Dieu pose la même question : « Où es-tu ? » Tous les êtres humains ont connu, connaissent et connaîtront cet instinctif besoin de se cacher. Sitôt passé le temps des années d'enfance, c'est à dire vers 2 à 3 ans, l'homme se surprend un jour à se cacher ; c'est le jour où ses yeux s'ouvrent sur lui-même : « Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus... ». Chacun de nous au fond cherche à se cacher plus ou moins pour éviter le désagrément d'être découvert « nu », on pourrait dire « mis à nu », alors qu'au chapitre 2, « ils n'en avait pas honte. ». Dans le jardin qu'est notre existence humaine, Dieu se promène toujours « à la brise du jour ». Cette brise d'une fin de jour est quelquefois révélatrice d'un calme apaisant, qui émerge de notre profondeur, dès que se relâche l'emprise de notre « moi de survie », dans le vertige de ses activités et surtout de ses succès. Au cœur même de ce qui fait sa vie, l'homme peut entendre retentir le bruit fait par le Seigneur qui se promène et qui appelle : « Francis, où est-tu ? »... Cette question est un appel à renouer le dialogue. Il y a en chacun de nous cette résonnance d'un « paradis » perdu et cette nostalgie nous met face à la question fondamentale que nous évitons soigneusement bien souvent de nous poser : quel est le sens de ma vie en cet instant ? ...cet instant qui semble perdu dans une montagne de problèmes existentiels toujours les mêmes en plus ! Existe-t‘il une vie avant la mort ?

Fresque de l’église du monastère Saint Michel du Var

Remarquons que les mots « où es-tu ? » sont les premiers mots adressés par Dieu à l'homme après la rupture de l'écoute intérieure que l'on appelle le « péché » (en grec « amartia », qui indique une vie qui se trompe de sens : qui vise mal.) Comme Adam, nous ne pouvons répondre à la question qu'en faisant aveu de notre nudité

et de notre peur. « J'ai entendu le bruit que tu faisais dans le jardin » répondit l'homme, « J'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. »


Ce sont les premiers mots du premier homme après son exil du paradis...


Mettons sur nos propres lèvres ces paroles d'Adam : les hommes se cachent parce qu'ils ont peur ! Peur de la mort, peur du non-sens de la vie et peur de la solitude mortifère. Paradoxalement nous cherchons tous plus ou moins, à nous protéger de la présence divine, à nous ménager la sécurité de quelques cachettes, hors d'atteinte de cette lumière qui risque de nous mettre à nu devant nous-mêmes et aussi devant les autres... Nous ne pouvons pas toujours être dans le contrôle ! Nous couvrons notre nudité d'habits protecteurs de toute sorte, et cet habillement complexe et varié a pour but d'anesthésier notre être à la peur et de nous faire croire que le relatif existentiel peut combler l'absolu de l'image de Dieu en nous. (D'où notre course à la jouissance, à la possession et à la puissance !)

La question « où es-tu ? » met en cause toutes nos sécurités dont notre être se fait des cachettes, en particulier celles que nous qualifions de spirituelles... L'homme qui veut sincèrement répondre à la question ne peut le faire selon la vérité que s'il consent à reprendre à son compte l'aveu d'Adam : « je me suis caché... J'ai eu peur… je suis nu... » mais plus encore, je ne cesse de me cacher ! Oui ! Il y a de la peur en moi, de l'angoisse, de la panique, de la désespérance... Comment donc sortir de cette vie de mensonge bien organisée, avec une façade bien propre... un cadre bien en vue… Comment renouer avec notre nudité vue et acceptée, avec ce Dieu qui ne cesse de nous inviter à la « Grande Vie » ?

Telle peut être une direction durant ce temps de « métanoïa » qu'est le Grand Carême qui commencera le 22 février par l'office du mercredi des Cendres, office qui nous invite à demander pardon au Seigneur, à nos frères et à nous-mêmes... pour que nous entrions dans l'oblation de notre vie selon la vérité de notre nature essentielle, qui est de se donner et de s'abandonner dans les mains du Père encore et encore, sans se décourager, car le père sait ce dont nous avons besoin !

Avec toute mon affection en Christ !

Père Francis

 

Prière


Seigneur, ne nous traite pas selon les péchés que nous avons commis, et ne nous rends pas selon nos iniquités ! Seigneur, ne garde point le souvenir de nos iniquités passées ! Hâte-Toi, répands sur nous Ta miséricorde, car notre misère est grande. Aide-nous, ô Dieu notre Sauveur, et pour la Gloire de Ton Nom, délivre-nous, Seigneur, et pardonne-nous nos péchés, pour la Gloire de ton Nom.

(Trait de l’ordinaire de carême)


 

Texte à méditer


L’enfer c’est l’enfermement.

Dans le moi, dans le connu, dans ce que je crois être la vérité. Il faut garder l’esprit dans « l’ouvert ». Cheminer, c’est donc se remettre en doute, questionner perpétuellement le réel et notre comportement. Dieu n’est pas la réponse à nos questions, mais la question à nos réponses. On s’en sert souvent comme d’un bouche-trou à nos interrogations, alors qu‘il questionne justement nos réponses scientifiques et philosophiques.


 


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