
Gorze, Mars 2025
Approche de l'expérience spirituelle carmélitaine …
dans les pas de sainte Thérèse d’Avila …
Chers amis,
Pourquoi sainte Thérèse d'Avila ?
Nous avons dans notre chapelle sur le mur ouest, une icône de sainte Thérèse peinte par Rachel Goettmann qui fut avec le père Alphonse les piliers fondateurs du centre Béthanie. Nous avons également, une statue de la sainte, ramenée d'Avila, bâton en main vers la mission des fondations de monastères en Espagne, fondations qui lui ont été demandées par « Sa Majesté », car c'est ainsi qu'elle nomme le Christ... Nous sommes donc à Béthanie sous sa protection depuis de nombreuses années...
Rappelons que le Carmel est né en Palestine au temps des croisades : cela débute par quelques frères ermites autour d'un sanctuaire dédié à Notre-Dame. La règle du Carmel est celle de saint Albert et date de 1209. Rome leur impose le statut d'ordre mendiant comme les Franciscains et les Dominicains. D'abord contemplative, leur vie va devenir aussi apostolique. L'ordre prend le prophète Elie comme modèle : « Il est vivant » dit le prophète « le Dieu devant qui je me tiens. » Se tenir devant le Dieu vivant, c'est l'attitude méditative foncière du Carme et plus tard de la Carmélite. La règle de saint Albert ne prescrit-elle pas de «méditer jour et nuit la loi du Seigneur. » C'est la prière « nourriture » ou liturgique et la prière « respiration » ou silencieuse qui sont les deux piliers de la vie en Christ.
Sainte Thérèse d'Avila, ainsi que saint Jean de la Croix, au 16e siècle, vont enrichir et rénover le Carmel à partir de leur expérience chrétienne d'une intensité peu commune. Ils se sont abandonnés à la volonté divine, vivant alors l'intégralité du chemin intérieur, c'est à dire de la metanoïa. Leurs écrits éclairent ce qui se passe au dedans de l'être humain. Thérèse raconte « ce qui lui est arrivé. » Cette expérience qu'elle partage suscite et réveille les âmes et elle le fait avec une finesse d'analyse et une grande élégance d'expression. Nos deux docteurs sont une référence incontournable pour celles et ceux qui sont en chemin et qui ont choisi le Christ.

Le troisième sommet de la tradition carmélitaine, le troisième docteur de l'Eglise de Rome apparaît avec Thérèse de Lisieux. C'est la sainte de la spiritualité du quotidien le plus banal… On pourrait lui appliquer cet aphorisme zen : «Puiser de l'eau, couper du bois : quelle merveille ! » Thérèse ouvre l'espace d'une spiritualité incarnée dans le détail de la vie quotidienne. Elle annonce un message d'espérance en ce Dieu qui est miséricorde. Cet engagement dans la tradition carmélitaine nous rappelle à notre vocation humaine : « Rendre grâce en tout temps et en tous lieux », et « Prier sans cesse. » Présence à soi, présence à Dieu !
Le petit banc de méditation utilisé par sainte Thérèse d'Avila nous rappelle à l'attitude corporelle qui favorise la vigilance. C 'est l'expression de la « tenue » car « il est vivant le Dieu devant qui je me tiens. » C'est cette dignité, qui est une manière de prier avec son corps, qui nous enracine dans notre incarnation et nous ouvre le chemin de la déification. L'être humain s'engage corps, âme et esprit, et cet engagement est à reprendre à chaque instant.
Thérèse prescrit à ses fils et à ses filles deux heures d'oraison quotidienne et agence le mode de vie des monastères en fonction de la prière silencieuse. « L'oraison » écrit-elle, « n'est rien d'autre qu'un commerce d'amitié, par lequel on s'entretient fréquemment et intimement avec Celui dont on se sait aimé. » Cet amour partagé se nourrit du « noble Silence » de Sa présence. C'est alors dans toute l'existence, dans le banal et le quotidien que revient la pensée de l'être aimé et l'élan d'amour vers lui. Oui ! Le Seigneur est aussi au milieu des « marmites » comme elle aimait à le rappeler !
Alors, en route vers nos cuisines... au milieu de notre travail quotidien, car c'est là que le Seigneur nous attend, et nulle part ailleurs... Comme nous le rappelle saint Paul : « Voici MAINTENANT le temps favorable, voici MAINTENANT le jour du salut. » (2 co 6, 2)
Avec toute mon affection en Christ !
Père Francis
Prière
Je suis à vous, pour vous je suis née,
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Souveraine Majesté, Éternelle Sagesse,
Bonté bonne à mon âme,
Dieu, Altesse, unité, bonté,
Voyez la grande vilénie de celle qui en ce jour
Chante votre amour ainsi,
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Je suis vôtre, puisque vous m'avez créée,
Vôtre, puisque vous m'avez rachetée,
Vôtre, puisque vous m'avez supportée,
Vôtre, puisque vous m'avez appelée,
Vôtre, puisque vous m'avez attendue,
Vôtre, puisque je ne me suis pas perdue,
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Qu'ordonnez-vous donc, bon Seigneur,
Que fasse un si vil serviteur ?
Quelle fonction avez-vous donné
À cet esclave pécheur ?
Vous me voyez ici, mon doux Amour,
Amour doux, vous me voyez ici
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Vous voyez ici mon cœur,
Je dépose sur la paume de votre main
Mon corps, ma vie et mon âme,
Mes entrailles et mes affections ;
Doux époux, ma rédemption
Puisque je me suis offerte à vous
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Donnez-moi la mort, donnez-moi la vie :
Donnez-moi santé ou maladie,
Honneur ou déshonneur donnez-moi
Donnez-moi la guerre, ou une paix accrue
La faiblesse, ou la force accomplie,
Puisque à tout je dis oui.
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Donnez-moi richesse ou pauvreté,
Donnez consolation ou désolation,
Donnez-moi allégresse ou tristesse,
Donnez-moi l'enfer, ou donnez-moi le ciel.
Douce vie, soleil sans voile,
Puisque je me suis rendue à merci,
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Si vous le voulez donnez-moi l'oraison,
Sinon, donnez-moi la sécheresse,
L'abondance et la dévotion,
Sinon, la stérilité.
Souveraine majesté,
Je ne trouve la paix qu'ici
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Donnez-moi donc la sagesse
Ou par amour l'ignorance
Donnez-moi des années d'abondance,
Ou de famine et disette,
Donnez les ténèbres ou le jour clair,
Ballotez-moi ici ou là
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Si vous voulez mon repos,
Je veux, par amour, me reposer,
Si vous m'ordonnez de travailler,
Je veux mourir en travaillant
Dites-moi où, comment et quand ?
Dites, doux amour, dites,
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Donnez-moi Calvaire ou Thabor,
Le désert ou une terre d'abondance,
Que je sois Job par la douleur
Ou Jean qui repose sur votre sein,
Que je sois une vigne couverte de fruits,
Ou stérile s'il convient ainsi,
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Que je sois Joseph enchaîné
Ou gouverneur de l'Égypte,
David subissant les peines
Ou David au sommet,
Que je sois Jonas noyé
Ou délivré de là,
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Que je me taise ou que je parle,
Que je produise des fruits ou point,
Que la Loi me montre ma plaie,
Que je jouisse du doux Évangile,
Que je peine ou que je jouisse,
Je n'ai vécu que vous en moi.
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Je suis à vous, pour vous je suis née,
Qu'ordonnez-vous qu'il soit fait de moi ?
Prière de sainte Thérèse d’Avila
Texte à méditer
Ne cherchons point à lui faire de beaux discours. Parlons-lui simplement pour lui exprimer nos désirs et nos besoins. C'est là une méthode excellente et elle nous fait avancer en très peu de temps. Celui qui s'étudie à vivre dans cette précieuse compagnie, qui cherche à en retirer les plus grands avantages, et y puise un amour sincère pour ce Maître, auquel nous sommes redevables de tant de bienfaits, celui-là, je l'affirme, est avancé dans la voie de l'oraison.
Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582) Autobiographie
(attention, les bonnes infos concernant les prochaines sessions se trouvent par ici)